Énergies marines renouvelables : le défi juridique des océans

Face à l’urgence climatique, les énergies marines renouvelables émergent comme une solution prometteuse. Mais leur développement se heurte à un cadre juridique complexe et en constante évolution. Plongée dans les méandres réglementaires de l’exploitation énergétique des mers.

Un cadre juridique en construction

Le développement des énergies marines renouvelables (EMR) s’inscrit dans un contexte juridique encore flou. En France, la loi du 30 décembre 2017 relative à l’exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations a posé les premières pierres d’un encadrement spécifique. Cette loi a notamment clarifié les compétences des différents acteurs impliqués dans les projets d’EMR.

Au niveau européen, la directive 2014/89/UE établissant un cadre pour la planification de l’espace maritime encourage les États membres à développer leurs EMR de manière coordonnée. Cependant, l’absence d’un cadre juridique unifié à l’échelle de l’Union européenne laisse place à des disparités entre les pays.

Sur le plan international, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) de 1982 régit l’utilisation des océans, mais n’aborde pas spécifiquement les EMR. Cette lacune soulève des questions quant à l’exploitation de ces ressources dans les eaux internationales.

Les défis de l’autorisation et de l’implantation

L’implantation d’infrastructures d’EMR nécessite de nombreuses autorisations administratives. En France, le processus implique une étude d’impact environnemental, une enquête publique, et l’obtention de diverses autorisations telles que la concession d’utilisation du domaine public maritime et l’autorisation environnementale.

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La procédure de mise en concurrence pour l’attribution des zones d’implantation est un autre aspect crucial. Le Code de l’énergie prévoit une procédure d’appel d’offres spécifique pour les EMR, visant à sélectionner les projets les plus performants sur les plans technique, économique et environnemental.

La question du raccordement au réseau électrique terrestre soulève des enjeux juridiques particuliers. La responsabilité de ce raccordement incombe généralement au gestionnaire du réseau de transport d’électricité, RTE en France, mais les modalités pratiques et financières restent souvent sujettes à débat.

La protection de l’environnement marin

L’installation d’EMR doit composer avec les impératifs de protection de l’environnement marin. La directive-cadre stratégie pour le milieu marin (2008/56/CE) impose aux États membres de l’UE de prendre les mesures nécessaires pour atteindre ou maintenir un bon état écologique du milieu marin d’ici 2020.

En France, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016 a renforcé les exigences en matière de protection de la biodiversité marine. Les projets d’EMR doivent désormais intégrer le principe ERC (Éviter, Réduire, Compenser) pour minimiser leur impact sur les écosystèmes marins.

La question de la responsabilité environnementale des opérateurs d’EMR en cas de dommage écologique reste un point sensible. La directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale fournit un cadre général, mais son application aux spécificités des EMR soulève encore des interrogations.

Les enjeux de la cohabitation avec les autres usages de la mer

L’implantation d’EMR doit s’intégrer dans un espace maritime déjà fortement sollicité. Le Code rural et de la pêche maritime prévoit des mesures pour concilier les EMR avec les activités de pêche, notamment à travers la création de commissions de suivi et de liaison.

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La sécurité maritime est un autre aspect crucial. Les règles de balisage et de signalisation des installations d’EMR doivent être conformes aux recommandations de l’Association Internationale de Signalisation Maritime (AISM) et aux réglementations nationales.

La question de la responsabilité civile en cas d’accident impliquant des installations d’EMR reste un sujet de débat juridique. Les régimes d’assurance et de garantie financière adaptés à ces risques spécifiques sont encore en cours d’élaboration.

Les perspectives d’évolution du cadre juridique

Face aux défis posés par le développement des EMR, une évolution du cadre juridique semble inévitable. Au niveau national, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 a fixé des objectifs ambitieux pour les EMR, mais les modalités pratiques de leur mise en œuvre restent à préciser.

À l’échelle européenne, la Commission européenne a présenté en novembre 2020 sa stratégie pour les énergies renouvelables en mer, qui pourrait déboucher sur de nouvelles directives harmonisant le cadre juridique des EMR au sein de l’UE.

Sur le plan international, les discussions au sein de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) sur la régulation des EMR en haute mer pourraient aboutir à de nouvelles conventions internationales dans les années à venir.

L’encadrement juridique des énergies marines renouvelables se trouve à la croisée de multiples enjeux : énergétiques, environnementaux, économiques et de souveraineté. Son évolution future devra concilier l’impératif de développement de ces énergies avec la préservation des écosystèmes marins et le respect des autres usages de la mer. Un défi de taille pour les législateurs et les juristes des prochaines années.

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